Refusant de prendre parti pour l’un ou l’autre camp, il s’est trouvé plongé dans un conflit vieux d’un siècle entre deux frères ennemis ; un conflit que ses prédécesseurs, Barack Obama et Joe Biden, ont alimenté et instrumenté. Il doit donc éclairer ses concitoyens avant de pouvoir débloquer la situation.
près avoir examiné les négociations du président Donald Trump avec l’Iran, nous étudions ici ses négociations avec l’Ukraine. Malheureusement, nous ne disposons pas des documents des « nationalistes intégraux » ukrainiens comme nous avons ceux des « sionistes révisionnistes » israéliens. C’est que l’Ukraine actuelle est véritablement une dictature militaire, tandis qu’en Israël, l’armée est encore le garant de ce qu’il reste de la démocratie face aux « sionistes révisionnistes » de Benyamin Netanyahou.
Le dossier ukrainien est très différent du dossier iranien en ce que les États-Unis n’ont pas de mythes communs avec ce pays comme ils en ont avec Israël. Au Moyen-Orient, le président Donald Trump tente de négocier une paix juste et durable tout en préservant les intérêts d’Israël (et non pas ceux des « sionistes révisionnistes » favorables au Grand Israël). En Ukraine, il refuse de prendre parti pour l’un ou l’autre et s’en tient à une position de stricte neutralité, tandis que ses prédécesseurs, Barack Obama et Joe Biden avaient conclu un accord secret avec les « nationalistes intégraux » contre la Russie. Ici aussi, il doit découvrir la réalité, mais cette fois, il doit en faire prendre conscience à sa propre administration avant de pouvoir conclure quoi que ce soit.
La mise au point de Donald Trump
Le 3 février, les services de Renseignements extérieurs russes (SVR) accusaient l’OTAN de préparer la diffusion de trois informations surprenantes :
• 1,5 milliard d’euros destiné à l’achat de munitions a été détourné par la présidence ukrainienne ;
• 130 000 soldats ukrainiens, morts au combat, continuent pourtant de toucher leurs soldes et de figurer sur les listes électorales ;
• le président non-élu Zelensky a cédé —et non pas vendu— des biens immobiliers à des sociétés étrangères et des compensations lui ont été discrètement versées sur des comptes à l’étranger.
En réponse, le 7 février, le président non-élu Volodymyr Zelensky donnait une interview à Reuters. Il y affirmait que son pays possédait quantité de « terres rares » et proposait de les exploiter avec les Alliés.
Contrairement à leur nom, les « terres rares » ne sont pas « rares » dans le monde, c’est leur raffinage qui l’est. Elles sont indispensables aux nouvelles technologies, civiles et surtout militaires.
Le secrétaire au Trésor, Scott Bessent, s’est alors rendu à Kiev pour présenter un projet de traité de cession des sous-sols ukrainiens à titre de compensation pour les armes états-uniennes livrées durant la guerre. Il a été fraîchement accueilli par le président non-élu, les armes ayant été données et non pas vendues à terme comme cela avait été initialement envisagé (prêt-bail).
Nous avons tous assisté avec stupéfaction à l’algarade qui opposa le président Donald Trump et son vice-président JD Vance à leur homologue ukrainien non-élu, Volodymyr Zelensky, le 28 février 2025, lors de sa réception dans le bureau ovale de la Maison-Blanche.
L’entrevue s’est terminée sans la signature de l’accord de Scott Bessent prévu sur l’exploitation des « terres rares ». On retiendra que le président non-élu Zelensky a tenté plusieurs fois de placer son narratif, selon lequel la Russie avait envahi l’Ukraine pour l’annexer ; un narratif qui était jusque-là soutenu par l’OTAN. Tandis que ses hôtes l’ont accusé de mener une « tournée de propagande » et, devant ses dénégations, lui ont demandé de respecter l’administration qui essaie d’empêcher la destruction de son pays.
Alors que le Royaume-Uni et des membres de l’UE (sauf la Slovénie et la Hongrie) se réunissaient autour de Volodymyr Zelensky, Washington suspendait, le 5 mars, son partage de Renseignements militaires avec Kiev. Se trouvant soudain plongé dans le noir, Kiev reculait, tout en essayant de ralentir son retrait. En quatre jours, il est apparu que, sans les Renseignements militaires états-uniens, ni les armées ukrainiennes, ni les armées alliées ne pouvaient plus vaincre. Ce choc a profondément remué ces dernières qui se sont alors plusieurs fois réunies pour se concerter sur ce qu’elles devaient faire pour retrouver leur efficacité.
Une période d’incertitude
Après le grave incident de la Maison-Blanche, l’Ukraine a tenté de remplacer l’appui des États-Unis par celui de l’Union européenne, du Royaume-Uni et du Canada. Cependant, ceux-ci n’ont pas de moyens comparables à ceux de l’Oncle Sam.
Le président Donald Trump a joué le chaud et le froid en laissant les Européens au sens large discuter ensemble de ce qu’ils pouvaient faire seuls. Dans un premier temps, il a défendu la représentativité du président Volodymyr Zelensky face à la Russie qui lui reprochait de ne pas avoir organisé d’élections et d’occuper sans droit, ni titre, la présidence ukrainienne depuis la fin de son mandat, en mai 2024. Par conséquent, Moscou faisait valoir que tout accord de paix signé par un dirigeant non-élu pourrait être considéré comme nul et remis en question.
Les Ukrainiens ont fait remarquer au président Trump que leur Constitution empêche la tenue d’élections en période de loi martiale. Mais Donald Trump a été informé par Steve Witkoff que Volodymyr Zelensky reconduisait la loi martiale de trois mois en trois mois pour ne pas organiser d’élections. Il a alors commencé à chercher d’éventuels candidats pour le remplacer et a découvert que la plupart des soldats morts au combat figuraient encore sur les listes électorales. Des élections sont donc impraticables en l’état. La Russie a proposé de les organiser sous la responsabilité des Nations unies. La question n’a pas été tranchée.
Accordant un entretien au Figaro, le président non-élu Volodymyr Zelensky déclarait : « La deuxième motivation [qui me fait tenir], c’est la haine des Russes qui ont tué tant de citoyens ukrainiens. Je sais bien qu’en période de paix, il n’est pas poli d’utiliser ce mot. Mais quand on est en guerre, quand on voit des soldats rentrer sur son territoire et tuer des personnes innocentes, je vous le promets, on peut ressentir cette haine. »
Il a tenu de nombreuses fois des propos similaires, disant qu’il « hait les Russes ». Lorsqu’on lui demande de préciser s’il cherche à dire qu’il hait Vladimir Poutine, il répond, « Non, tous les Russes ! ». Ce faisant, il reprend à son compte le discours des « nationalistes intégraux ». Leur fondateur, Dmytro Dontsov, assurait que les Ukrainiens sont nés pour anéantir la culture et le peuple moscovite ; principe qu’il a mis en œuvre avec ses alliés nazis à la tête de l’Institut Reinhard Heydrich.
Loin d’être un élément de propagande, l’accusation russe de nazification de l’Ukraine est une réalité.
Le président Trump avait secrètement envoyé son ami Steve Witkoff, par ailleurs envoyé spécial pour le Moyen-Orient, discuter d’un premier échange de prisonniers avec Kirill Dmitriev à Saint-Petersbourg, début avril. Durant leur discussion, Dmitriev se présenta comme le patron du fonds d’investissement direct russe, mais aussi comme un Russo-Ukrainien intéressé par les efforts de l’Administration Trump. Ayant rapidement conclu un premier échange, il organisa, en plus, une entrevue inopinée avec le président Vladimir Poutine, le 11 avril. Celui-ci présenta à Witkoff la version russe du conflit. Ce dernier l’écouta avec attention et vérifia immédiatement les informations. Revenu à Washington, il exposa au président Trump l’ampleur de la maldonne : les présidents démocrates Barack Obama et Joe Biden avaient bien conclu un accord avec des néo-nazis pour s’emparer de l’Ukraine. Ces derniers ont persécuté les Ukrainiens russophones. La Russie n’a pas envahi le pays pour l’annexer, mais a appliqué la résolution 2202 du Conseil de sécurité (les accords de Minsk) dont elle s’était portée garante. Au lieu d’aider, fidèles aux démocrates Barack Obama et Joe Biden, l’Allemagne et la France qui s’étaient également portées garantes de l’application de la résolution 2202, avaient consciemment accusé la Russie d’envahir l’Ukraine.
Donald Trump, qui connaissait personnellement Witkoff depuis longtemps et lui faisait confiance, avait instantanément compris la manipulation des démocrates. Comme il avait observé l’attitude de Zelensky contre lui, durant le Russiagate, et son engagement dans la campagne électorale de Biden-Harris, il se forgea rapidement de nouvelles convictions.
Le 14 avril, le président Donald Trump adopta la version Witkoff et déplora que Zelensky ait déclenché la guerre, déclarant : « Vous ne commencez pas une guerre contre quelqu’un 20 fois supérieur et espérez ensuite que des gens vous donneront des missiles ». Le 17 avril, il transmit aux deux parties une proposition de paix que l’Ukraine rejeta et que la Russie prit avec des réserves.
Il reste quatre points de désaccord entre les États-Unis et la Russie :
• Moscou continue à bombarder des cibles militaires en zones civiles durant les négociations. Depuis les conférences de La Haye (1899 et 1907), il est admis que les nations civilisées ne placeront pas d’installations militaires au milieu des civils, les Ukrainiens cependant utilisent leur propre population comme « bouclier humain ». Identiquement, il est admis que, durant des négociations, les deux parties veillent scrupuleusement à ne combattre que des militaires, la Russie a donc tort, elle aussi.
• Washington n’accepte la démilitarisation de l’Ukraine que si des forces étrangères peuvent y assurer la sécurité. Moscou propose donc le déploiement de Casques bleus des Nations unies, tandis que les Alliés exigent de se déployer eux-mêmes. Mais, au vu des épisodes précédents, Moscou considère qu’ils ne veilleront pas à la paix, mais continueront la guerre.
• Moscou entend conquérir la totalité des oblasts ayant voté pour leur adhésion à la Fédération de Russie, alors que Washington considère que les quelques zones non occupées de ces oblasts doivent rester ukrainiennes, les frontières définitives devant être celles du cessez-le-feu.
L’Ukraine organise depuis plusieurs années une manifestation annuelle internationale pour réaffirmer sa souveraineté sur la Crimée, annexée par la Russie, en 2014. Or, lors de l’effondrement de l’Union soviétique, la Crimée avait proclamé son indépendance avant l’Ukraine. Moscou avait continué durant plusieurs années à y payer les fonctionnaires et les retraites jusqu’à ce que le président Boris Eltsine abandonne ce territoire coûteux et que la Crimée accepte de rejoindre l’Ukraine. En 2014, lorsque les « nationalistes intégraux » renversèrent le président élu, la Crimée vota une seconde fois son indépendance, puis son rattachement à la Fédération de Russie. Le président Donald Trump considère ce rattachement comme légal pour deux raisons : d’une part, il s’est agit d’un référendum conforme au droit international et, d’autre part, l’Ukraine n’y a pas fait obstacle à l’époque.
• Kiev entend que la centrale nucléaire de Zaporijjia et le barrage hydroélectrique de Kakhovka, indispensable au refroidissement de la centrale nucléaire, lui soient remis, ce à quoi Moscou s’oppose fermement. Cette revendication contredit le point précédent, puisque ces deux ouvrages sont aujourd’hui contrôlés par la Russie. Selon l’Agence internationale de l’Énergie atomique (AIEA), au début de la guerre, la centrale de Zaporijjia abritait un incroyable stock de plutonium et d’uranium enrichi, accumulé en violation des traités internationaux. La Russie, considérant la centrale comme un objectif prioritaire, l’a prise dès le début de son opération militaire spéciale. Elle est parvenue à récupérer les matières fissiles et à en transférer une partie sur ce qui était à l’époque le territoire russe. De nombreux combats ont eu lieu alors, laissant à penser que tout n’avait pas été enlevé.
Lors des funérailles du pape François, à Rome, le 26 avril, les présidents Trump et Zelensky se rencontraient une nouvelle fois, dans la basilique Saint-Pierre, durant un quart d’heure. Il semble qu’ils convinrent de repartir sur un autre pied ; les États-Unis et l’Ukraine mettant de côté tout ce qui a précédé. Ils ne parleraient plus de guerre, mais d’une trêve d’un mois, et s’engageraient ensemble dans la reconstruction. Bien sûr cette réconciliation ne règlerait pas grand-chose, mais elle permettrait d’envisager la suite sous un nouvel angle.
Échaudée par le non-respect de la résolution 2202 autant que par celui de la récente trêve pascale, la Russie s’est immédiatement dite opposée à une trêve prolongée. Elle a, au contraire, annoncé unilatéralement une interruption des combats à l’occasion de l’anniversaire de la victoire sur le nazisme, le 9 mai ; un affront pour les « nationalistes intégraux » ukrainiens, alliés des nazis, qu’ils se sont empressés de refuser.
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