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La police utilise illégalement un logiciel israélien de reconnaissance faciale

Égalité et RéconciliationLa police utilise illégalement un logiciel israélien de reconnaissance faciale

Égalité et Réconciliation - 17 nov 2023

En 2015, les forces de l’ordre ont acquis, en secret, un logiciel d’analyse d’images de vidéosurveillance de la société israélienne Briefcam. Depuis huit ans, le ministère de l’Intérieur dissimule le recours à cet outil qui permet l’emploi de la reconnaissance faciale.

   

C’est devenu une habitude. Ce mardi 14 novembre, comme ce fut le cas lors de l’édition précédente, Gérald Darmanin inaugure le salon Milipol, au parc des Expositions de Villepinte (Seine-Saint-Denis). Consacré à la sécurité intérieure des États, ce salon est une vitrine mondiale pour des entreprises souvent inconnues du grand public. C’est le cas de Briefcam, une société israélienne spécialisée dans le développement de logiciels destinés à la vidéosurveillance algorithmique (VSA). Grâce à l’intelligence artificielle, cette technologie permet d’analyser des images captées par des caméras ou des drones et de détecter des situations jugées « anormales ».

Jusqu’en mai dernier, la VSA ne pouvait être utilisée par la police nationale que dans de très rares cas. Mais à l’approche des Jeux olympiques et paralympiques de Paris, le gouvernement est parvenu à faire adopter une loi au Parlement qui autorise son expérimentation par la police nationale à une large échelle et ce, jusqu’au 31 mars 2025. Face aux risques d’atteinte à la vie privée, les députés ont néanmoins interdit le recours à la reconnaissance faciale, qui permet d’identifier une personne sur des images à partir des traits du visage. Un outil ultra-intrusif que certains logiciels commercialisés par Briefcam permettent d’activer en quelques clics. Et que les services de Gérald Darmanin connaissent bien.

Un logiciel déployé au niveau national

D’après des documents internes au ministère de l’Intérieur obtenus par Disclose, les forces de l’ordre utilisent les systèmes de Briefcam depuis 2015, dans le plus grand secret. Le logiciel en question, baptisé « Vidéo Synopsis », permet de traquer une personne sur un réseau de caméras grâce, par exemple, à la couleur de son pull. Il peut également suivre un véhicule à l’aide de sa plaque d’immatriculation ou examiner plusieurs heures de vidéos en quelques minutes. Le slogan de Briefcam, rachetée par le géant de la photo Canon en 2018 : « Transformer la vidéosurveillance en intelligence active ».

Il y a huit ans, la Direction départementale de sécurité publique (DDSP) de Seine-et-Marne est choisie pour expérimenter le logiciel israélien. Deux ans plus tard, en 2017, l’application est déployée plus largement. Les services de police du Rhône, du Nord, des Alpes-Maritimes, et de Haute-Garonne en sont à leur tour équipés. Ainsi que le service interministériel d’assistance technique (SIAT), une unité de police en charge des infiltrations, de la mise sur écoute et de la surveillance de la grande criminalité.

Dans la foulée, ce sont les services de la police judiciaire, les préfectures de police de Paris et Marseille, la sûreté publique et la gendarmerie nationale qui vont être dotés du logiciel de Briefcam sur des ordinateurs dédiés. Une installation massive qui s’est faite en dehors du cadre légal prévu par une directive européenne et la loi française Informatique et Libertés.

Avant d’utiliser une technologie aussi intrusive que celle proposée par Briefcam, le ministère de l’Intérieur aurait dû mener une « analyse d’impact relative à la protection des données » et la remettre à une administration indépendante : la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). Or, la Direction générale de la police nationale (DGPN), placée sous l’autorité directe de Gérald Darmanin, n’avait toujours pas réalisé cette analyse d’impact en mai 2023. Pas plus qu’elle n’a averti la CNIL. Fin 2020, un cadre de la police invite ainsi à la discrétion : « Certains services ont l’outil Briefcam, mais celui-ci n’étant pas déclaré à la CNIL, il semble préférable de ne pas en parler. » Ou encore ce message envoyé quelques mois plus tard par un autre gradé, rappelant que « sur le plan juridique (…) l’application Briefcam n’a jamais été déclarée par la DGPN ».

Contactée par Disclose, la CNIL déclare, embarrassée, qu’elle « ne dispose pas d’éléments permettant d’infirmer ou de confirmer que la police nationale utilise Briefcam ». La DGPN n’a pas répondu à nos questions.

« Il semble préférable de ne pas en parler. »

Un haut-fonctionnaire de la police national

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